RACINE INFO: L’Architecte Voltaire et sa très mauvaise conception de l’État: la prière remplace la gouvernance

Par Antoine NERILUS
Le président du Conseil présidentiel de transition, Lesly Voltaire, a récemment fait une déclaration qui, au-delà de son caractère insolite, soulève de profondes interrogations sur sa conception de l’État et de la gouvernance.
Après sa visite au Vatican, il a expliqué y avoir déposé une image de Notre-Dame du Perpétuel Secours et prié pour que cette dernière déracine les gangs en Haïti.
Cette démarche, bien qu’exprimant une forme de spiritualité personnelle, constitue un aveu indirect d’incapacité à faire face aux défis sécuritaires du pays.
Or, la responsabilité de sécuriser le territoire incombe aux dignitaires de l’État, non aux saints ni aux lwas du vodou.
Loin d’être une affaire de miracles, la gestion de l’ordre public repose sur une vision stratégique, des institutions solides et des actions concrètes. En invoquant la providence plutôt que d’élaborer un plan structuré, l’architecte Lesly Voltaire révèle une compréhension erronée du rôle de l’État.
L’État ne relève ni du sacré ni du surnaturel. Jürgen Habermas, dans sa théorie de la post-sécularité, rappelle que si les religions conservent une place dans l’espace public, elles doivent s’exprimer dans un langage rationnel compréhensible par tous. L’État ne saurait donc se fonder sur des croyances, mais sur des principes universels et démocratiques. Rawls, quant à lui, plus incisif que Habermas, insiste sur l’idée que la gouvernance doit reposer sur une « raison publique », c’est-à-dire des arguments accessibles à l’ensemble des citoyens, indépendamment de leurs convictions religieuses.
Dans cette perspective, quérir un miracle pour résoudre une crise sécuritaire relève d’un non-sens intellectuel et d’une abdication des responsabilités. L’État ne peut être dirigé par des prières, mais par des institutions efficientes, une justice forte et des politiques publiques adaptées.
L’architecte a fait un aveu d’échec sans peut-être s’en rendre compte; ce qui constitue un danger pour l’avenir d’Haïti.
L’appel à Notre-Dame du Perpétuel Secours n’est pas seulement une maladresse ; il traduit une démission implicite du politique. En invoquant la divinité pour résoudre un problème d’ordre étatique, Lesly Voltaire avoue son impuissance face à la situation. Or, un chef d’État ne peut se contenter d’exhorter les cieux : il doit proposer des solutions, bâtir des stratégies et garantir la sécurité de son peuple, en des actions, même au péril de sa vie.
L’État haïtien ne doit pas être abandonné aux incantations. Il a besoin d’hommes de vision, capables de matérialiser des projets concrets pour redresser la nation. Plutôt que de se tourner vers le sacré, Voltaire aurait mieux fait de se pencher sur des plans de pacification, de développement économique et de réforme institutionnelle.
Lesly Voltaire est architecte de formation, mais sa vision de l’État semble plus mystique que structurelle. Or, Haïti ne va pas se construire sur des croyances, mais sur des fondations solides.
L’avenir de tout État, d’Haïti, repose sur des choix rationnels, des réformes structurelles et une volonté politique ferme. Gouverner, c’est prévoir, anticiper et agir avec pragmatisme, et non s’en remettre au divin pour résoudre des crises aussi graves que l’insécurité sévissant chez nous.
En confondant foi personnelle et responsabilité étatique, Lesly Voltaire envoie un signal inquiétant quant à sa capacité à diriger. L’histoire nous enseigne que les nations prospèrent grâce à des institutions fortes et des dirigeants visionnaires. Haïti ne pourra se relever que si ses leaders adoptent une approche lucide et rigoureuse, où la raison et l’action remplacent la prière et l’attentisme.
C’est une honte qu’Haiti se soit retrouvée dans un si grand pétrin lié à une disgouvernance à tous les points de vue, mais surtout à une absence d’hommes valables et à la hauteur de nos déboires.
Antoine NERILUS, étudiant-chercheur, journaliste, doctorant en sciences politiques et relations internationales.