RACINE INFO: International | Syrie: Une ère de fer s’effondre en Moyen-Orient
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Par Antoine NERILUS
Ce dimanche 8 décembre 2024, Damas, capitale historique de la Syrie, s’est réveillée sous un nouvel ordre. Après près de 24 années de règne, Bachar al-Assad, 58 ans, a quitté la scène politique, fuyant face à une coalition rebelle aux offensives irrésistibles.
Ce dénouement marque la fin d’une ère où la Syrie, sous le poids de la centralisation autoritaire, a oscillé entre modernisation et répression.
Fils de Hafez al-Assad, Bachar est devenu président en 2000 après la mort de son père, grâce à un processus politique soigneusement orchestré.
D’abord présenté comme un réformateur potentiel, il a rapidement embrassé l’héritage autoritaire familial, consolidant son pouvoir à travers un contrôle absolu des institutions et une répression impitoyable. Sous son règne, des projets d’infrastructures et des réformes économiques limitées ont vu le jour, mais ces avancées furent éclipsées par des atteintes massives aux droits humains et une guerre civile dévastatrice déclenchée en 2011.
Les soulèvements populaires, initiés dans le sillage du Printemps arabe, se sont heurtés à une réponse brutale de l’appareil sécuritaire syrien. La répression violente a engendré une mosaïque complexe d’oppositions, allant des groupes démocratiques aux factions islamistes radicalisées, dont Daech (État islamique). Daech, né du chaos en Irak et en Syrie, a terrorisé la région en proclamant un califat en 2014 avant d’être progressivement vaincu par des coalitions internationales.
Parallèlement, la guerre civile a attiré des puissances étrangères. Les États-Unis, alliés des forces kurdes et des opposants modérés, ont vu leurs efforts minés par des calculs géopolitiques complexes. La Russie, soutien indéfectible d’Assad depuis 2015, a permis à son régime de survivre grâce à une aide militaire massive, transformant la Syrie en terrain d’influence stratégique. La France, autre acteur majeur, a joué un rôle dans la lutte contre Daech tout en soutenant une transition politique sans Assad.
Cependant, l’unité affichée par les rebelles ce dimanche est fragile. La coalition ayant pris Damas regroupe des factions diverses, dont des groupes démocrates, des islamistes modérés et des anciens adversaires de Daech, ce qui laisse présager des luttes intestines pour le contrôle du pouvoir. Leur appel à bâtir une « Syrie libre » s’inscrit dans une quête d’un régime plus humaniste, conciliant les diversités culturelles et historiques du pays.
La chute d’Assad représente un revers majeur pour Moscou, qui avait misé sur le régime syrien pour maintenir son influence au Moyen-Orient. Ce bouleversement reconfigure les équilibres stratégiques de la région, ouvrant la voie à une rivalité accrue entre les grandes puissances.
Les États-Unis pourraient exploiter cette situation pour y affirmer davantage leur présence, tandis que la Turquie, déjà impliquée dans le nord syrien, cherchera à tirer parti des nouvelles dynamiques pour affaiblir les forces kurdes.
L’Iran, autre allié d’Assad, voit ses ambitions régionales sérieusement compromises.
Pourtant, cette nouvelle donne s’accompagne d’incertitudes profondes. Le vide laissé par le régime pourrait nourrir de nouvelles rivalités locales et des fractures communautaires persistantes. L’avenir de la Syrie dépendra de sa capacité à surmonter ces divisions, en construisant un État respectueux des identités plurielles, sans renier son histoire et ses spécificités culturelles. La stabilité du Moyen-Orient, déjà fragile, demeure en jeu.
Professeur Antoine NERILUS, politologue, journaliste.