Le multipartisme, un poison dans les pays à population sous-éduquée

Antoine NERILUS.
Dans les sociétés à population sous-éduquée, le multipartisme, pourtant conçu comme un pilier de la démocratie, devient un facteur de désordre institutionnel et de fragmentation sociale. Ce système, qui suppose une certaine maturité politique et un niveau d’éducation civique suffisant, se transforme en terrain fertile pour la prolifération de partis sans fondement idéologique solide. Dès lors, au lieu de favoriser le débat pluraliste et la compétition saine d’idées, il engendre une multiplication de clans politiques mus davantage par des intérêts personnels que par des projets collectifs.
La faiblesse du niveau éducatif général empêche une lecture critique des programmes politiques, rendant les électeurs vulnérables aux discours populistes et démagogiques. La politique se réduit alors à une affaire de promesses creuses, de fidélités aveugles et de manipulations affectives. Les formations politiques, plutôt que d’orienter le peuple vers des choix éclairés, exploitent son ignorance à des fins partisanes.
Dans ces conditions, les partis deviennent des instruments de domination clientéliste ou communautaire. Chaque groupe, chaque région, chaque leader ambitionne de créer son propre parti, non pour proposer une vision cohérente de la société, mais pour revendiquer une part du pouvoir. Le champ politique devient ainsi un espace de stratification idéologique artificielle, où les appartenances tribales, religieuses ou affectives priment sur les convictions rationnelles. L’intérêt général disparaît au profit de logiques de survie politique.
Ce morcellement favorise une instabilité chronique. À chaque échéance électorale, on assiste à une recomposition chaotique des forces, à des alliances éphémères et à des contestations systématiques des résultats. La majorité devient rare, la contestation devient structurelle. La parole publique est noyée dans un vacarme permanent où chaque camp se proclame légitime, où l’État peine à trancher, et où l’autorité est constamment remise en question.
Dans ce contexte, le multipartisme n’est plus le reflet de la vitalité démocratique, mais le symptôme d’un malaise profond. Il devient le terreau d’un cycle sans fin de crises politiques, de paralysie institutionnelle et de violence latente. Plus les partis se multiplient, plus le dialogue national devient cacophonique et incohérent. Plus les voix s’éparpillent, moins l’unité est possible. Ce phénomène favorise non seulement l’inefficacité de la gouvernance, mais aggrave aussi la méfiance entre citoyens, entre régions, et entre classes sociales.
La prolifération de micro-partis, souvent bâtis autour de personnes plutôt que d’idées, mène à une impasse politique où chacun parle sans écouter, où chacun revendique sans proposer, et où les décisions collectives sont constamment bloquées par les intérêts particuliers. Dans de tels environnements, le multipartisme devient une machine à désunir, un obstacle à la paix sociale, et un ferment permanent de chaos. Si l’éducation ne précède pas le pluralisme, ce dernier finira toujours par déchirer le tissu national plutôt que de le renforcer.
Antoine NERILUS, enseignant, politiste et journaliste.